Tous paranos ? Pourquoi nous aimons tant les complots...
Par Pierre-Henri Tavoillot & Laurent Bazin
Paru le 9 avril 2012
978-2815904827
Editions de l'Aube
Editions de l'Aube
Résumé :
Pourquoi aimons-nous tant croire aux complots ? À l'âge proclamé de l'hyperinformation, d'internet et de la surexposition, de la transparence et de l'urgence médiatique, on aurait pu penser que la théorie du complot, qui n'aime par essence que l'obscurité, le temps et le secret, était voué à s'exténuer et disparaître. Or c'est l'exact contraire ; plus on proclame la transparence, plus le soupçon se diffuse : on nous cacherait quelque chose ! Plus on a d'informations, plus le sentiment se développe que tout est planifié dans l'ombre par des puissances occultes. Tout concourt à cette idée que nous serions manipulés, que derrière l'apparence d'une société de l'information ouverte et moderne, des desseins cachés sont à l'oeuvre : 11 septembre, affaire DSK, Ovni, révolutions arabes - la vérité serait ailleurs. Forcément ailleurs.
Jusqu'où ira notre parano ? Y aurait-il donc un ressort plus profond à cette tendance bien ancrée dans les sociétés contemporaines ? Et si notre parano moderne était l'expression paradoxale d'une quête de sens que la surenchère médiatique ne parvenait pas à satisfaire ?
Jusqu'où ira notre parano ? Y aurait-il donc un ressort plus profond à cette tendance bien ancrée dans les sociétés contemporaines ? Et si notre parano moderne était l'expression paradoxale d'une quête de sens que la surenchère médiatique ne parvenait pas à satisfaire ?
A propos des auteurs :
Laurent Bazin est journaliste à RTL (RTL midi) et à France 5 (C dans l'Air). Pierre-Henri Tavoillot est philosophe à la Sorbonne et préside le Collège de philosophie.
Extrait :
Comment expliquer les sombres attraits de la théorie du complot ? Comment comprendre que, dans notre espace public pourtant instruit et informé comme jamais dans l'histoire de l'humanité, elle semble croître, multiplier et surtout se banaliser ? Quels seraient les antidotes possibles à ce poison de l'esprit qui permettraient d'en limiter les effets les plus néfastes ? Voilà les trois grandes questions sur lesquelles je souhaite proposer sinon des réponses du moins des pistes de réflexion. Grammaire du complotisme Pour rendre compte de la mécanique conspirationniste, il convient avant tout de saluer les travaux salutaires de ceux qui se sont attachés à en décrire très précisément les rouages. Je pense notamment aux ouvrages, à tous égards remarquables, de Pierre-André Taguieff qui s'est efforcé de les exposer avec science et précision depuis le début de son travail intellectuel. Ses livres ont cet intérêt considérable qu'ils ne se limitent pas à la grande littérature et aux grands textes classiques, mais qu'ils traquent la théorie conspirationniste dans son genre le plus courant : les textes médiocres, les libelles malveillants, les forums calomnieux... C'est là un exercice ingrat dont on se passe en général très volontiers, mais qui est pourtant l'unique voie d'entrée pour saisir cette langue très particulière. Ce travail permet à Taguieff de repérer les quatre ressorts de tout discours du complot et de les interpréter : 1) rien n'arrive par accident ; 2) tout ce qui arrive est le résultat d'intentions ou de volontés cachées; 3) rien n'est tel qu'il paraît être ; 4) tout est lié mais de façon occulte. Ces quatre règles sont loin d'être anodines d'un point de vue philosophique; elles portent en elles des principes extrêmement lourds que l'on peut ramener - sous réserve d'inventaire - à quatre principaux. Une philosophie volontariste de l'histoire Derrière la théorie du complot, il y a d'abord ce que l'on pourrait appeler une philosophie de l'histoire. De quoi s'agit-il ? C'est une entreprise intellectuelle qui vise à réduire l'interprétation de l'ensemble du cours de l'histoire à une seule clé : le progrès de la raison ou de la liberté, la lutte des classes, l'antagonisme biologique des civilisations, etc. Dans chacun de ces cas, la multiplicité et la diversité des faits historiques se ramène à un unique fil conducteur. Sur le marché des idées, il existe, grosso modo, deux grandes philosophies de l'histoire. La première (déterministe) réduit l'histoire à un mécanisme aveugle (la lutte des classes, la technique, la bureaucratie, la consommation...) échappant à la volonté des hommes qui en sont les instruments. La seconde (volontariste) repose sur l'idée que l'histoire dans son ensemble dépend de volontés particulières, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. D'un côté, on pose que, selon la formule prêtée à Marx, «les hommes qui font l'histoire ne savent pas l'histoire qu'ils font» ; de l'autre, on postule qu'il y a des volontés supérieures qui font l'histoire en sachant l'histoire qu'elles font. |
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